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mardi 10 septembre 2024

Les problèmes juridiques résultant du blocage du canal de suez par l’Ever Given

Le 23 mars, L’EVER GIVEN, l’un des porte-conteneurs les gros au monde, s’échouait, bloquant ainsi une partie du commerce mondial avec environ 20000 conteneurs à son bord, évalués à plus d’un milliard de dollars au total. Une opération d’assistance d’envergure coordonnée par l’Autorité du Canal de Suez et SWIFT SALVAGE, une société néerlandaise dura six (6) jours. Alors que les médias qualifieront ces opérations comme du sauvetage, il semble important de souligner qu’il s’agit ici d’assistance. Pour rappel, il existe une différence entre le sauvetage qui concerne les personnes en mer, en détresse imminente et est obligatoire et l’assistance qui concerne le navire, sa cargaison et les passagers à bord en danger imminent ou non.

L’EVER GIVEN à lui seul, suscite plusieurs problèmes juridiques. L’armateur qui est japonais et a affrété le navire à un transporteur maritime taiwanais EVERGREEN MARINE. La cargaison est en majorité chinoise. La gestion nautique du navire est gérée par une société allemande avec un équipage de nationalité indienne, et il bat pavillon panaméen.

 A prime abord, nombre de spécialistes sont en désaccord lorsqu’il s’agit de pointer les causes de l’abordage de l’EVER GIVEN. Le 23 mars, des rafales de vents soufflaient à 75km/h et l’EVER GIVEN naviguait à 25km/h au lieu de 11km/h comme le préconise le COLREG, le tout sans remorques comme ce fût le cas des deux navires qui l’ont précédé. L’ensemble de ces facteurs a provoqué un effet de berge qui a encastré l’EVER GIVEN dans le canal.

En matière d’abordage, la loi du pavillon est primordiale dans le sens où elle accorde une nationalité au navire et impose des obligations à l’Etat du pavillon dans la prévention de l’abordage. Aussi, il serait légitime de se demander si la saisie du navire est légale. La convention de Montego-Bay répond par la négative à travers l’article 97 §3. La cour d’appel égyptienne sur la question s’est déclarée incompétente et renvoie la question aux juridictions inférieures qui doivent statuer le 20 juin.

 Le cas de l’EVER GIVEN relance le débat sur les pavillons de complaisances qui offrent des avantages fiscaux, administratifs voire une désertification du contrôle technique. D’ailleurs, L’EVER GIVEN, mis en service en 2018 a subi deux accidents dont une collision au port de Hambourg en 2019 et cet abordage en 2021. Dans l’histoire des catastrophes maritimes, les pavillons de complaisance sont toujours au cœur du débat comme ce fût le cas du pétrolier ERIKA en 1999 et récemment de MV WAKASHIO en 2020.

Quant au capitaine de L’EVER GIVEN, il est accusé d’être entré dans le Canal de Suez malgré les conditions météorologiques défavorables et d’avoir perdu le contrôle du navire. Selon la convention de Montego-Bay, les poursuites pénales ou disciplinaires ne peuvent être intentées que devant l’Etat du pavillon ou l’Etat de la nationalité du capitaine. L’avantage pour l’Egypte d’intenter les poursuites est de pouvoir appliquer les règles de Hambourg qui désacralise la responsabilité du transporteur maritime, contrairement aux Règles de la Haye-Visby où le transporteur pouvait s’exonérer si l’un des dix-sept (17) cas exceptés était prouvé, dont la faute nautique du capitaine (idem article 51 du code maritime chinois). L’application des Règles de Hambourg va permettre aux chargeurs, sous réserve de la loi désignée dans le connaissement, de protéger leurs recours dans les pertes et dommages de leurs marchandises.

Toutefois, concernant le pilote, la question de sa responsabilité ne peut être soulevée car il n’a qu’un devoir de conseil. Le pilote monte à bord du navire (idem dans les entrées de ports) afin de guider et conseiller le capitaine sur la manœuvre adéquate lors de la traversée. Mais le capitaine reste toujours au commandement de son navire.

Au final, l’avarie commune, déclarée par l’armateur japonais SHOEI KISEN, aura un impact considérable dans le dédommagement, à hauteur de 550 millions de dollars, que réclame l’autorité du canal de Suez. Ceci, du fait des opérations d’assistance qui comprennent le remorquage, le draineur dans les eaux et sur les berges et la fameuse pelleteuse qui a fait le tour du monde en images. Déclarer les avaries communes signifie donc que la somme réclamée sera répartie entre les différents chargeurs. D’où l’intérêt de souscrire à une assurance-facultés afin que la compagnie d’assurance puisse procéder à l’indemnisation.

En définitive, erreur humaine ou conditions météorologiques défavorables, l’opération de déblocage de l’EVER GIVEN dans le canal de Suez est avant tout un exploit technique et humain, et les problèmes juridiques occasionnés se ressentiront encore des mois voire des années entre les acteurs concernés.

YENO REKANGA Kathleen
Commissionnaire de transports – Doctorante droit international des transports (CRDEI Bordeaux) – Consultante juridique cabinet d’avocat REKANGA spéc. Droit des transports, Droit international privé, Responsabilité civile et délictuelle.

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